Mots prononcés à l’occasion de la remise d’un Geste et Care d’Argent le 29 novembre 2022

Bonjour à tous, je me présente, Armel Joly Architecte.

J’ai un fils de 3 ans qui s’appelle Gustave.

La semaine dernière, je découvre avec lui, à l’occasion d’un podcast diffusé sur Spotify, un livre lu et écrit par une certaine Anna Llenas (?).

Ce bouquin porte le titre très poétique de « la couleur des émotions ». Vous l’aurez vite compris, l’objet de ce petit livre pédagogique est d’aider l’enfant à appréhender dans sa vie de tous les jours ses émotions vécues, pour tenter d’en conserver la maîtrise et ne pas se laisser submerger.

Mais au moment d’écrire ces quelques lignes, cela m’est apparu comme une évidence ! À l’image des psaumes du Roi David dans la bible qui éveillent nos âmes et consolent nos coeurs, (vous verrez ici une dédicace spéciale évidente à Pascal Payen-Appenzeller, pasteur à ses heures….), Anna Llenas, en écrivant « la couleur des émotions » , rend en réalité un hommage vibrant à toute la profession et dans notre cas ici, à ce projet d’architecture bien particulier.

Voici donc en premier lieu LA JOIE représenté par la couleur JAUNE.
Je cite : « La joie est contagieuse, merveilleuse. Elle brille comme le soleil et fait vibrer le cœur telle une abeille. » (Oui pardon….. je rappelle que c’est un livre pour enfant)…. La joie candide donc d’un jeune architecte fraichement installé, de trouver un nouveau client qui lui propose de se lancer dans la surélévation de cette petite maison ouvrière début XXeme, située au Chesnay dans les Yvelines. Cette joie initiale forcément accompagnée d’une grande motivation en début de projet, soupçonnant déjà tous les défis à relever : un défi réglementaire avec un PLU très contraignant / un défi social avec une famille qui, si elle ne veut pas quitter son territoire compte tenu de la hausse des prix de l’immobilier en banlieue ouest, n’a d’autre choix que de s’étendre verticalement pour s’agrandir.

Les émotions se poursuivent très vite avec LA TRISTESSE et sa couleur BLEUE.
« La tristesse… La tristesse nous accable. Immense comme la mer, mélancolique comme un jour de pluie, elle refroidit notre cœur et l’engourdit. » Immense tristesse de constater que son client n’a que très peu de budget ! Je sais déjà que nous ne compterons pas le temps passé, aucune rentabilité réelle pour l’atelier n’est à percevoir, bye bye les honoraires ! Nous bossons à perte (encore une fois) pour « la gloire et pour la bonne cause » (humour…).

S’ensuit La COLÈRE avec bien évidement la couleur ROUGE.
« La colère est dévastatrice. Elle éclate comme l’orage. Elle allume notre cœur et brûle tout sur son passage, telle une flamme DES-TRUC-TRICE ». Cette sourde colère de négocier sans arrêt avec l’Architecte des Bâtiments de France du secteur, qui au cours d’une conversation téléphonique, alors que nous défendions le recours à des chaînes de pluie légères entre lucarnes engagées, invoquant une poétique de l’eau peu utilisée dans les projets d’architecture, me rembarre avec un magistral « Monsieur Joly, arrêtez donc votre Bla-bla d’étudiant… »

Puis vient la PEUR, et sa couleur GRISE.
« La peur… La peur est lâche, sournoise. elle se cache dans la nuit tel un voleur. Quand tu as peur, tu te sens tout petit, faible, incapable d’agir posément. » Tout confrère connait en effet cette peur de prendre connaissance des conclusions des études de sol d’un Bureaux d’études hélas peu connecté à la réalité économique d’un projet et qui, allant au plus rapide annonce une reprise en sous oeuvre soit disant nécessaire de la maison existante par injection pour la modique somme de 70 000 euros (soit la moitié du budget du client…) – Reprise en sous oeuvre heureusement évitée après reprise des calculs… Et naturellement, la peur qui nous tient éveillée des nuits durant, le temps d’un chantier. La peur de l’effondrement, du sinistre, de la défaillance de l’entreprise etc. Rassurez-vous, cela ne s’est pas produit. L’entreprise en charge, NEVICO, ayant réalisé un magnifique travail.

Mais pour terminer, la SÉRÉNITÉ et sa couleur VERTE.
« La sérénité… La sérénité nous berce. Elle est douce comme une maman, légère comme une feuille au vent. Quand tu es apaisé, la vie se déroule aisément. Tout te semble facile ». Conclusion de toutes ces émotions qui dans nos vies d’architectes nous traversent et nous transpercent. Je vous rassure, c’est bien sous ses auspices que je me présente devant vous ce soir. Ceux de la sérénité. La sérénité issue de la satisfaction d’un travail achevé, d’une mission accomplie. Pour un projet de surélévation, ayant permis à sa mesure : de lutter contre l’étalement urbain, éviter à une famille de quitter le territoire de son coeur, développer un projet tout ossature bois avec utilisation d’isolants biosourcés. Le tout en proposant humblement un dessin contemporain qui ne fait pas offense à son contexte.

Je disais donc la sérénité, après tout ce voyage, d’être récompensé et encouragé par ses pairs dans le cadre de ce Geste et Care d’argent reçus ce soir. Un immense Merci à tous les membres du jury.

Une pensée particulière pour mon fils Gustave et une autre pensée pour mon ancienne professeur de l’école spéciale d’architecture ici présente dans la salle : Fabienne Bulle. Il n’est pas une esquisse où mon crayon ne bouge sans que je me pose la questions suivante « À ma place, que ferait Fabienne ? » …

Souhaitant à tous mes confrères et consoeurs présents ici ce soir de vivre, au travers de leur projet, leurs plus belles couleurs d’émotions.

Merci pour votre écoute.

Armel Joly.
Le 29 novembre 2022.